Entre ramasseurs et propriétaires, c’est la guerre des champignonsLe ton monte très vite, confirment les gendarmes. A l’automne, les bois déchaînent souvent les passions entre propriétaires et ramasseurs de champignons. Comme lundi à Carcans. Ramasser des champignons en forêt sans autorisation du propriétaire est puni d’une amende de 150 euros.photo Guillaume BonnaudL’automne en Gironde. La lumière rasante, l’air qui se rafraîchit, les feuilles roussies et rougies, les promenades en forêt odorante à la rencontre de la nature et… la cueillette des champignons. Une image d’Épinal bucolique hélas battue en brèche par les faits, tant cèpes, morilles et autres girolles déchaînent les passions.Lundi encore à Carcans (lire ici), un gendarme appelé au secours a été blessé par le 4×4 d’un propriétaire qui venait de chasser une famille de ramasseurs de champignons en les menaçant et en rayant leur véhicule. Cet homme de 51 ans a été placé en garde à vue hier. Il a plaidé coupable et a été remis en liberté. Cueillette réglementéeLe sujet reste sensible et les accrochages voire les débordements fréquents. Car chacun semble persuadé de son bon droit. Dans une brochure éditée en direction du grand public (1), l’Office national des forêts rappelle les références réglementaires en matière de cueillette de champignons, tirées des codes civil, de l’environnement et forestier. « La forêt est une propriété privée, qu’elle appartienne à l’État, à une collectivité ou à un propriétaire privé. » Et : « Le propriétaire a droit à la jouissance paisible de son bien. » « Ramasser ou emporter des champignons, fruits, semences ou produits des forêts sans autorisation du propriétaire est puni d’une amende de 150 euros (contravention de deuxième classe). Lorsque le volume prélevé est supérieur à 5 litres, l’amende encourue peut s’élever à 750 voire 1 500 euros. »« Le ton monte très vite »Les gendarmes, les policiers, les agents assermentés, notamment de l’ONF, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, du Conseil supérieur de la pêche et des gardes particuliers sont habilités à constater les infractions.« Nous intervenons principalement à la demande de propriétaires pour des violations de propriété », explique un officier de gendarmerie du groupement de la Gironde. « Les ramasseurs n’acceptent pas facilement les remontrances. Et le ton monte très vite, ce qui donne lieu à des comportements excessifs. Nous constatons aussi des violences ou dégradations commises par des propriétaires excédés. »« On l’a toujours fait »Coups de fusil en l’air pour faire déguerpir les intrus, insultes, arme brandie pour intimider, pneus crevés surtout si les véhicules viennent de départements limitrophes, voitures rayés, conversations qui en viennent aux mains… Certes, certains propriétaires – c’est le cas dans les forêts domaniales – tolèrent des cueillettes raisonnées et raisonnables, uniquement pour les besoins domestiques.Mais il demeure préférable de se renseigner. « On l’a toujours fait », défend Odette pour qui les bois qu’elle visite sont un peu « ses bois ». La cueillette des champignons est pour elle un plaisir qui remonte à l’enfance. Une sortie en nature ludique et revigorante. La perspective de conserves et de repas gastronomiques en famille.« C’est le problème », observe Henri Sabarot, président de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et maire de Carcans où s’est produit l’incident de lundi. « Dans la tête de beaucoup, la forêt est un bien commun, plus qu’un champ ou des vignes. » À Carcans, le plus gros propriétaire est… la commune. « Je n’ai rien réglementé. Quelqu’un qui ramasse un panier pour sa consommation personnelle, cela fait partie de la coutume. À condition d’avoir la pudeur de ne pas cueillir les champignons à proximité des habitations, au pied du chêne de celui qui le regarde pousser ! »Alain, propriétaire en Sud-Gironde s’est résolu à poser des pancartes interdisant la cueillette de champignons. Sans grand succès. Sa propriété est traversée par un chemin de randonnée dont il a volontiers permis le tracé. « À condition que les gens ne pénètrent pas dans la forêt. »Il en avait assez de croiser des promeneurs enfoncés dans ses bois, les paniers gorgés de cèpes dont il ne profitait pas. Il avoue avoir déjà cherché à effrayer des ramasseurs. « Ça devient du vol à la fin ! » Il parle aussi de massacre et d’invasion. Le vocabulaire est volontairement belliqueux, mais traduit le fait qu’il est entré en guerre. Notamment contre les « cueilleurs professionnels », le ramassage industriel. « Ils ont dénaturé l’innocence et la légèreté de ce moment d’automne en en faisant une activité lucrative. »(1) « La cueillette des végétaux dans les milieux naturels ».———————————–Si les champignons vous intéressent, ne manquez pas de visiter le petit bois du blog du CEMA (Cercle d’études mycologiques en Aquitaine), ouvert à tous, ramasseurs et propriétaires… Extrait du journal « Sud-Ouest »